Partie II : Le Collectif Fin de Un muNdO – FUNO





Dans cette deuxième partie de notre chronique de El Colectivo el Fin de Un muNdO (FUNO) nous allons continuer à vous décrire ce groupe exceptionnel.

Toutes les photos et vidéos ont été prises lors des répétitions des dimanches 17 et 24 mars 2023

OUVERTURE ET DIVERSITÉ

Il y a une grande diversité parmi les artistes, tous les âges, toutes les conformations physiques, différents horizons artistiques.

L’appel est ouvert :

« Fin de un mundo invite à participer à l’action du 24 mars. Il n’est pas nécessaire d’avoir une formation artistique, l’idée est que tout le monde puisse participer. Bien sûr, s’il y a des gens qui ont un talent particulier, nous en profiterons. Cette année, 140 camarades de tous âges, avec une grande majorité de femmes, ont répondu à l’appel. »

Mais il y a également une diversité d’opinions politiques !
Seba explique :

« Malgré le fait qu’il y ait des camarades avec des opinions politiques différentes à l’intérieur du Collectif, nous avons toujours été capables de rester ensemble. Dès le début, cette idée a prévalu : Restons attachés à ce qui nous unit ». Un ancien camarade a dit une phrase qui m’a beaucoup marqué : « Je ne milite pas pour avoir raison, je milite pour changer le monde ». Malheureusement, en Argentine, il y a beaucoup de gens qui se battent pour avoir raison. Nous ne sommes pas ici pour gagner une dispute avec notre voisin, ou pour un combat mineur entre deux partis, ou pour être reconnus dans une académie. Nous sommes ici pour changer le monde. Nous sommes dans ce combat. »

Dans un pays où règnent les dissensions et les rancœurs, cette attitude me semble remarquable.
Par ailleurs le collectif n’est affilié à aucun parti politique ou organisation syndicale. C’est pourquoi, le jour de la marche, le Collectif défile avec les organisations de défense des droits de l’homme.

L’ORGANISATION

Je me demande : comment une entité peut-elle fonctionner et survivre sans structure formelle, sans responsables désignés, sans locaux, sans finances… ?

Seb, Patricia et Carolina m’expliquent :

« Au début, nous étions peu nombreux, 70 ou moins, et nous pouvions travailler de manière totalement collective. Puis le Collectif a commencé à avoir plus d’impact, et beaucoup de gens ont commencé à nous rejoindre, nous sommes, certaines années, 400 personnes dans la rue. »

« L’organisation a donc dû évoluer. Dans un groupe de 200 camarades, il serait impossible de prendre des décisions importantes tous ensemble. Nous avons essayé de maintenir cette forme de création collective, mais en nous adaptant au nombre de participants. Nous avons toujours été un collectif très soucieux de la concrétisation des actions et nous essayons d’inventer quelque chose qui garde une certaine horizontalité tout en étant efficace. »

« Nous avons essayé de résoudre le conflit entre horizontalisme et verticalisme en adoptant une organisation par cercles, que nous trouvons très symbolique, car dans les cercles tous les points sont équidistants les uns des autres. »

« Les cercles sont des groupes de travail chargés d’une tâche spécifique. Il y a le groupe Technologie, le groupe Logistique, le groupe FOCO qui enregistre tout ce que nous faisons en photos, vidéos, drones, le groupe Abondance chargé de collecter de l’argent pour assurer l’indépendance économique, un groupe Action qui fait des propositions, un groupe Identité qui rassemble toutes les idées qui nous soutiennent et le groupe Synchro qui synchronise l’ensemble et assure la continuité…
Nous insistons beaucoup sur le fait que l’espace de la performance soit un espace de grand plaisir et de grande attention entre nous. Par exemple, le groupe Logistique garantit la sécurité des artistes et le groupe Amour s’assure que le jour de l’action, il y ait tout ce qu’il faut
pour s’hydrater et se nourrir »

Un participant confirme dans un post après la marche du mars 23 :

« Et le Cercle AMOUR, qui distribue de l’eau pendant toute la durée de
l’action, pour que nous buvions tous de l’eau fraîche avec des glaçons ! Ils nous donnent de la nourriture nutritive et énergétique, avec l’amour qui les caractérise ! »

La machine à faire disparaître
La machine à faire disparaître

« Nous essayons ainsi de garantir une horizontalité, un travail collectif. Nous nous interrogeons constamment sur la forme d’organisation à adopter pour concilier horizontalité et efficacité. Ce n’est pas facile, mais nous faisons de notre mieux. »

Il n’y a pas un seul aspect qui ne soit pas couvert par l’organisation : dans le WhatsApp collectif, les militants peuvent trouver les bases des costumes, du maquillage, de la coiffure, des chaussures… et même des instructions pour faire des genouillères. Le tout se termine par un message TRÈS IMPORTANT :

« Construisez avec soin : Que tous les matériaux que nous apportons dans nos vestiaires soient agréables au toucher et à la peau et qu’ils nous permettent d’habiter le corps et le mouvement confortablement et joyeusement. » 

L’un des participants résume bien le sentiment des performers :

« Ce n’est pas seulement la performance qui m’a ébranlé, mais aussi le souvenir de la façon dont elle a été construite avec tant de dévouement et de respect. Peu d’endroits que j’ai fréquentés respectent l’individualité avec autant d’amour qu’ici. Où la camaraderie et le respect des corps l’emportent sur le ego personnel. Je me suis lassée de lire et d’écouter les conseils et les demandes de prendre soin de nous-mêmes. Cela vaut beaucoup. Merci beaucoup ! »

Juli

Et Pilar ajoute :

« Il y a un autre aspect qui me surprend et que je veux souligner. Il s’agit de la manière douce, aimante et efficace de gérer les 140 participants aux répétitions, et de parvenir à la réalisation en seulement trois répétitions !
C’
est admirable. »

Personnellement, je ne sais pas comment il est possible que toute cette machinerie, qui ne fonctionne que de manière épisodique et avec des personnes en partie différentes chaque année, parvienne à préparer un spectacle de la qualité de celui du 24 mars en si peu de temps. Cela est dû en partie à la qualité de l’organisation. Mais c’est aussi, et peut-être surtout, grâce à la qualité, à la conscience professionnelle et au dévouement des militants. Tous sont bénévoles tous ont leurs occupations quotidiennes à côté. J’ai trouvé dans ce Collectif un « professionnalisme » que j’ai rarement vu dans les grandes entreprises européennes pour lesquelles j’ai travaillé en tant que consultant !


LE FANZINE

Un fanzine (contraction de l’expression « fanatic magazine ») est une publication imprimée ou en ligne, créée au départ par des fans de science-fiction et qui a gagné en popularité dans les années 1970 dans le cadre de la culture underground issue du mouvement punk.
Source : Wikipedia

Malala m’explique l’importance de ce format :

« Je suis analogique, je suis d’une autre génération, j’aime toucher les choses. Dans la marche on m’a donné un morceau de papier, je l’ai mis dans ma poche et après j’ai envoyé un e-mail et c’est comme ça que j’ai commencé à participer. Plus d’une fois, j’ai entendu dire « Hé, nous ne faisons pas le dépliant en papier, à cause de la question de l’écologie »; et j’ai répondu « On fait le dépliant d’une manière ou d’une autre ».

Cette année, un autre format a été créé, avec le fanzine pliable. D’après mon expérience graphique, le fanzine est une révolution qui va à l’encontre du système, de la norme, de la manière dont un texte doit être mis en page, de la manière dont un titre doit être fait. »

Les textes du fanzine :

Quand je marche, je désire. – Anonyme

L’amour ne s’arrête pas, même si ceux qui aiment meurent. – Zito Lema

Malala :

« Les personnes qui performent dans le Colectivo ont beaucoup participé à son élaboration, en mâchant ces textes que nous avons élaborés à partir des textes de Liliana Bodoc, Lohana Perkins, Vir Cano et toutes les personnes qui nourrissent notre pensée critique. Tous ces textes ont pris corps dans le fanzine, dans la publication. Chacun d’entre nous a fait un peu de pliage et un original a été composé, numérisé, scanné et imprimé. »

« Nous l’avons pensé comme quelque chose de plié, avec une option qui pourrait être collée sur un mur ou mis dans la poche. »

Un atelier de volontaires a été organisé pour le fabriquer, auquel ont participé une vingtaine de militants bénévoles.

« Il nous semblait important qu’il y ait une contribution personnelle à l’ensemble de la chaîne de fabrication, que les militants soient liés à l’œuvre. L’aspect collectif est toujours présent chez nous »

Plusieurs milliers de fanzines ont été fabriqués et distribués lors de la marche !

L’AMBITION

Le nom adopté par le collectif, la Fin d’un monde, révèle l’ampleur de leur projet et sa radicalité. 

Seb raconte :

« Lorsque nous avons dû choisir un nom, nous nous sommes dit que nous ne voulions pas d’un monde un peu meilleur, ni d’un monde un peu plus nouveau, mais que nous voulions la fin d’un monde et la naissance d’un autre. C’est ce qui nous motive et nous pousse à progresser. »

Les Caripelas
Les « caripelas » : sourire hypocrite et conduite « colabo »

Caripela en Argentine signifie généralement « une drôle de tête ». Dans ce contexte on fait référence aux « salauds » qui se cachent derrière un faux sourire pour ne pas dévoiler leurs vraies intentions.

Et Marta Candela ajoute :

« J’ai adoré cette idée de la fin d’un monde et du début d’un autre. Il ne s’agit pas de changer pour changer, mais de mettre fin à un style de monde et d’humanité qui s’autodétruit. C’est cette position, cet engagement à travers l’art, qui tend à dépasser la réalité, qui m’a attirée. »

Tous les « artivistes » que j’ai interrogés sont convaincus de la nécessité de changer le monde. Il en va de même pour les dizaines de commentaires que les participants ont envoyés au groupe WhatsApp du Collectif après la marche.

« Compas (compas est le diminutif de compañeras), il m’est difficile
d’exprimer avec des mots ce qui m’a traversé le corps hier. Je suis partie
avec le sentiment que s’il y a tant de personnes qui s’organisent avec
soin, respect et amour, un autre monde est vraiment possible.
J’embrasse chacun d’entre vous, je suis reconnaissante pour les regards, les sourires et les danses. C’était la première fois que je participais avec vous ✨ merci beaucoup à l’organisation pour l’attention et l’amour. Et pour avoir respecté et pris tellement en compte les individualités, comme l’a dit otrx compa.
Avec vous, l’envie de tout changer brûle vraiment !!!! 

Cami

« Comment est-il possible de créer un nouveau monde ? En multipliant dans chacun de nos mondes ce que nous avons vécu non seulement hier, mais tout au long du processus de construction de La FETE. Faire confiance à l’autre, se lier avec amour, respect et diversité. Écouter. Mettre entre parenthèses nos certitudes individuelles pour nous dépasser dans la sagesse du groupe. Se prendre dans les bras. Savoir que la personne à côté de moi veille sur moi, même si nous ne connaissons pas nos noms. Avoir toujours une bonne intention au départ. Apprendre que le geste collectif a un pouvoir amplificateur et contagieux, que le « je »; est important, mais que maintenant, ici et maintenant, le « nous »; est plus important. Me nourrir de l’identité collective. Faire de la poésie, transformer l’horrible en quelque chose de beau. Faire confiance au corps. Transformer nos idées en actions créatives. Puissions-nous transmettre un peu de tout cela à ceux qui nous entourent, dans chacune de nos actions, dans chacun de nos mots. Puissions-nous toujours construire à partir de l’amour, avec les autres, avec les autres, avec les autres.

Merci infiniment.

Fière d’être 🌳

#ColectivoFindeUNmundO

Laura Mickelsen

Dans les messages enthousiastes envoyés après cette expérience transformatrice, tout est dit. Ce nouveau monde commence au sein même du groups.

Comme le dit Patricia :

« Parce qu’en fin de compte, il n’y a aucun moyen de changer le monde si nous ne commençons pas à changer notre propre façon d’être dans le monde. C’est ce que nous apprenons au FUNO : être et agir dans ce monde ensemble, à la rencontre des autres. »

Bref portrait des militants généreux, créatifs, ouverts, enthousiastes, authentiques, désintéressés. (Deuxième partie)

Nicolas

« Je suis comédien,  je m’intéresse au théâtre physique, j’ai fait du clown, de la performance, des arts plastiques.
J’ai rejoint le collectif l’année dernière pour le côté artistique. Puis le côté politique a pris le dessus petit à petit.
Si vous vous connectez vraiment à ce qui se passe dans les répétitions, c’est méga mobilisateur. Parfois, c’est difficile pour moi, c’est comme si j’échappais à l’émotion. C’est comme si je faisais quelque chose d’artistique avec toute la merde qui s’est produite. Comme lui donner un autre regard. Comme du recyclage. Mais oui, c’est très émouvant. »

Marta Candela

« J’ai rencontré la fin d’un monde lors de la première action, le 12 octobre, qui commémore la première arrivée du capitalisme à travers la soumission, la colonisation et l’évangélisation. Ce qui m’intéresse dans ce collectif, c’est sa poétique, sa position politique, ce croisement entre politique et poésie. Je fais de la thérapie et de la rééducation physique. Les corps sont absolument dominés par le capitalisme, ils tombent malades, se referment, se séparent des autres, où la douleur et la jouissance sont individuelles. Je participe à une communauté de danses andines, où l’idée est aussi de danser en communauté. Je fais également partie d’un groupe de femmes, « Mujeres creando », qui militent là où nous devons être, comme celles qui ont la gâchette facile, ou les victimes de la traite, les féminicides, les demandes d’eau, le rejet des entreprises minières. »

Dommage que je n’aie pas demandé à Marta quel était le secret de son infatigable énergie !

« J’ai commencé à militer il y a une dizaine d’années au sein de groupes féministes et j’ai rejoint le Collectif en 2020. Je suis thérapeute en stimulation précoce et psychomotricienne auprès des bébés et des jeunes enfants. Je coordonne une équipe de plus de 20 femmes. J’ai mes propres espaces militants, je travaille dans certains quartiers, je soutiens des écoles. J’étudie également le théâtre. J’ai deux magnifiques petites-filles, âgées d’un an et de six ans. Celle d’un an va participer à sa première marche. Cela fait partie de ma vie. »

María Laura (MALALA)

« Je dis que je suis graphiste de formation et de beaucoup de choses, plasticienne, communicatrice… par déformation. Je travaille à mon compte en tant que designer et artiste visuel, et j’organise des ateliers. Je suis membre du collectif « Fin de un mundo » depuis 2014, il y a 9 ans.
J’ai rejoint le collectif pour performer, pour y mettre mon corps, mais j’ai fini par être un polymère, car je fais les flyers, la communication interne, les graphismes pour les diffusions.
Le 24 mars 2014, je suis allée à la marche avec mon fils, qui avait 6 ans. Il était en CP à l’école et ils avaient parlé de ce qui s’était passé en 76, pendant les années noires. C’était magnifique, parce que l’histoire qui a été racontée dans le bus était très exemplaire. Grâce à tout ce qu’ils ont raconté sur les corps, il m’a été très facile d’expliquer à mon fils ce qui s’était passé. Voir le bus m’a donné beaucoup d’émotion. Ils m’ont donné un tract et je me suis engagée. »

« Le Collectif est une partie importante de ma vie. Pendant la pandémie, je voyais presque plus souvent mes amis du collectif que ma famille, parce que c’est ma façon de résister et de comprendre le monde »

Malala
Homenaje
L’hommage aux 30000 disparus

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